Les icônes du renouveau
- Patrick Gheysen
- 28 juin 2018
- 3 min de lecture
Inspiré jadis par Byzance et symbole de l'éternelle Russie, l'art de l'icône connaît aujourd'hui à Moscou un nouvel essor. Etouffés par soixante-dix ans d'athéisme d'Etat, créateurs et restaurateurs libèrent leur talent pour restituer à ces œuvres liturgiques force, lumière et beauté.

Pour ceux qui s'emploient aujourd'hui au renouveau de l'icône, l'enjeu n'est pas seulement de redécouvrir son langage traditionnel ou de peindre honnêtement sur le plan artistique. Pour les iconographes contemporains, la difficulté est surtout d'apprendre l'humilité et le renoncement dans un esprit authentiquement traditionnel. Jadis, les anciens, avant de peindre, se préparaient à l'ouvrage par la prière, le silence et l'ascèse.
Des images aux codes stricts
En devenant objets de vénération pour les fidèles, les icônes ont été soumises, dès le VIIIème siècle, par l'Eglise d'Orient, à de sévères contraintes artistiques (sources d'inspiration stéréotypées, rigueur du trait, jeux de couleurs). Jusqu'à nos jours, ces canons se sont perpétués, assurant l'étonnante continuité de cette peinture dédiée à la gloire de Dieu et dont nous retraçons brièvement l'histoire.

La guerre des icônes
Pressentant son martyr et ne pouvant se rendre à une invitation d'Agbar, le roi d'Edesse, Jésus lui aurait fait porter l'empreinte de son visage laissée sur un voile et connue sous le nom de « Christ Acheiropoietos » (qui n'est pas peint par la main d'homme). Selon la tradition, ce serait la première icône. D'autres attribuent plutôt la naissance de cet art à Saint Luc et à des représentations de la Vierge peinte de son vivant. Mais, comme certains de l'art l'on soulignés, l'icône présente également des affinités avec les portraits funéraires, peint sur le bois dès l'Antiquité gréco-romaine. Les icônes deviennent rapidement objets de vénération et de culte, surtout après les conciles quinisexte (691-692) et de Nicée II (787) qui ordonnent aux artistes de visualiser l'« Incarnation du Verbe », c'est-à-dire de représenter le corps humain du Christ. Les portraits de sa mère Marie et des différents saints sont également théologiquement justifiés. L'affaire n'ira pas sans de terribles querelles, les iconoclastes dénonçant cette vénération des images et les faisant massivement détruire, avant d'être réduit au silence par le triomphe des iconophiles, partisans de la fonction liturgique de l'icône, en 843. L'art des icônes se développe dans l'Empire byzantin, et notamment à Constantinople, mais aussi à Chypre, en Crète et dans tous les Balkans. Après la chute de Constantinople, tombée en 1953 aux mains des Turcs ottomans, l'art de l'icône se perpétue dans les pays voisins de tradition orthodoxe.
La Russie, terre d'accueil

C'est en Russie, convertie au christianisme depuis le Xème siècle, que l'art de l'icône trouve une terre d'accueil particulièrement fertile. Très vite, des ateliers de peinture se développent à Kiev, Souzdal, Rostov, Novgorod, Pskov et Moscou, menant cette peinture à son apogée, de la fin du XIVème siècle au début du XVIème. A l'époque de Théophane le Grec, venu au XIVème siècle de Byzance à Moscou, de nombreux artistes se firent connaître. Et parmi eux, le plus célèbre de tous, le moine Andreï Roublev (1360-1430), récemment canonisé, dont le génie s'affirme notamment à travers plusieurs œuvres exposées au Kremlin de Moscou et au monastère de la Trinité-Saint-Serge de Zagorsk, redevenue en 1991 Sergiev Possad.
Les fées de la restauration

La restauration des icônes permet de retrouver d'anciens procédés techniques propres à cet art. Les icônes sont peintes sur des planchettes en bois de tilleul ou, plus rarement, en bois de pin. Les fonds sont préparés à l'aide d'un canevas collé et enduit d'une base de plâtre en poudre, le « levkas ». Les premières icônes étaient peintes à l'encaustique, après dissolution des couleurs dans la cire chaude. Ce procédé, en usage à Byzance aux Vième et VIIème siècles, a été remplacé plus tard par la peinture à la détrempe où les couleurs minérales sont délayées dans du jaune d'œuf. Ternies par la poussière des siècles, ces superbes couleurs une fois nettoyées par des spécialistes retrouvent un éclat sans pareil.
Sources : Géo
Visiter le site : www.geomagazine.fr
Comments